Les étoiles sont des feux qui ne s’éteignent jamais, comme ceux des Enfers

Enfin la nuit m’enveloppait;
Je flottais dessus, peut-être dedans,
Ou elle me portait comme une rivière porte
Un bateau, et en même temps
Elle tourbillonnait au-dessus de moi,
Parsemée d’étoiles mais néanmoins obscure.

J’étais sur mon balcon.
Dans ma main droite je tenais un verre de whisky
Dans lequel deux glaçons fondaient.

Le silence était entré en moi.
Il était comme la nuit, et mes souvenirs étaient comme des étoiles
En cela qu’ils étaient fixes, même si, bien sûr,
Si l’on pouvait voir à la façon des astronomes
On verrait que ce sont des feux qui ne s’éteignent jamais, comme les feux de l’enfer.

Je tenais la main de mon frère.
Nous regardions les monuments se succéder les uns aux autres
Toujours dans le même ordre
De sorte que nous entrions dans le futur
tout en éprouvant de perpétuelles récurrences.

Le bateau remontait la rivière puis la redescendait.
Il se déplaçait dans le temps et ensuite
Dans une inversion du temps, même si nous nous dirigions
Toujours vers l’avant, la proue creusant continuellement
Un chemin dans l’eau.

Après cela nous prenions le dernier train.
Je dormais souvent, même mon frère dormait.
Nous étions des enfants de la campagne, peu habitués à ces intensités.
Les garçons, vous vous êtes dépensés, disait ma tante,
Comme si notre enfance entière était comparable
A une qualité épuisée.
En dehors du train, une chouette appelait.

Louise Glück

Extraits de Midnight.

Louise à New-York en 1968