Tout se passe comme si le culte marial, qui se développe surtout à partir du concile d’Éphèse (431), et qui repose sur la définition de Marie comme theotôkos (génitrice de dieu), devait être protégé d’une tentation redoutable: celle d’accorder à la Vierge un statut divin, ce qui l’assimilerait carrément, fût-ce sous un mode accordé au monothéisme, à l’antique Mère des dieux. Son culte ne doit pas outrepasser les limites réservées au culte des saints.
Que le danger ait été réel, j’en veux pour preuve les fulminations d’Épiphane de Salamine, un demi-siècle avant le concile d’Éphèse, contre l’obscure secte des adoratrices arabes de la Mère de dieu, les Collyridiennes.
Ces dernières, qui tirent leur nom des petits gâteaux -de quelle forme?- qu’elles partageaient à l’occasion d’un repas de type eucharistique, eurent le double tort d’être des femmes, groupées autour d’une prêtresse, et d’adresser leur dévotion, non pas au Père ou au Fils, mais à la Mère.

William Blake, Continental Sorority: l’Europe, l’Afrique et l’Amérique
Épiphane nous apprend que cette secte, issue de Thrace, s’était diffusée de son temps en direction de l’Arabie. Peut-on accorder une réalité historique aux fantasmagories ingénues, délicieuses, pourtant au bord du maléfice!, du très sourcilleux Épiphane? On se plaît du moins à rêver que les Filles aux Petits Gâteaux ont eu une influence certaine: on sait que pour Mohammed, et selon certains commentateurs musulmans, la Trinité chrétienne aurait été constituée de Dieu, de Jésus et de la Mère: Allah, Isa et Maryam …