Ma terre, je suis ta fille
Ma terre, ô mes forêts!
Je suis ta fille.
Les forêts chantent, la terre chante,
et nous composons avec la rivière,
le chant tsigane.
J’irai par les montagnes
la haute montagne,
je porterai ma plus belle, ma plus riche jupe
toute de fleurs cousues,
et je crierai à tue-tête:
c’est ici mon pays, rouge et blanc!
Terre des bois noirs, ô ma terre,
tu es notre mère à tous,
mère riche et belle.
Mon cœur se meurt
à tes chants.
Terre, la moisson est terminée,
et sous le soleil tu brilles,
toute d’or;
ma terre, où la foudre lutte contre
le vent, tel le chant dans mon cœur,
où le marteau frappe la pierre
et le grand feu apparaît.
Terre, ô ma mignonne,
toi que les grandes étoiles
observent la nuit, toute la nuit,
en bavardant comme des filles tsiganes.

Terre des bois noirs,
sur toi j’ai grandi,
dans ta mousse je suis née;
toutes sortes de petites bestioles
ont mangé et piqué
mon jeune corps.
Terre des bois noirs et des champs fertiles,
tu sens bon la verdure,
en toi les feux courent loin
Un jour, dans longtemps,
à moins que ce ne soit plus tôt,
tes mains ramasseront mes chants.
Je rêve ou quoi? D’où viennent-ils?
Tu te souviendras, et tu demanderas:
légende ou vérité?
Puis à nouveau tu oublieras mes chants
et tu oublieras tout.
Études tziganes: Papusza, la voix d’un monde perdu, article de Jean-Yves Potel, n° 48-49
Paul Klee, The hour before one night