Tu dors, la lèvre offerte aux ruches de l’été
Le monde à tes flancs nus se meut
Tes seins soulèvent le ciel, tandis que tu respires un sommeil
Plus vaste que la mer où flottent ces lointains futurs
Sentant l’orage
Le sanctuaire
Des noms que Dieu rêve en secret
Quand elle ouvre les yeux, midi règne
La terre est vernie de soleil, l’arbre envolé
Cette eau rêvée n’est plus qu’un lit de soif
L’Être lui manque
Elle se fait Matrice, et dans ce manque il prend forme
Il est bon d’avoir demeure au bas des monts, d’être dans le nom des choses communes, près du puits dont l’eau reste à portée des lèvres. Et qu’importe que la nappe en vienne de loin puisque le goût en est toujours le même, presque oublié.
La route mène au village et fait le tour d’un autre enclos, où les morts éventés de chèvrefeuille dorment. Ici la voix reçoit mesure des objets: dans la cuisine chante une femme, astiquant ses cuivres où se prend le soleil. L’homme au seuil tourne sa tête de tournesol vers l’aurore. L’esprit se fait humble: un jardin, des pensées.
Mais là-haut le dernier chardon s’est effrité, l’espace est devenu silence. Le voyageur n’a plus rien à quoi donner un nom.
Ainsi vins-Tu couvrir notre sommeil.
C’était avant que l’homme fût encore.
Une bête qui se frotte à l’écorce d’un pin
Tu n’étais rien
Tes éclairs pur besoin
Sarah un néant se creusait en elle: une brûlure
Plus vive d’heure en heure en tissait la paroi
Ce ventre fut ton premier temple
Comme le ravisseur
Comme le ravisseur tu es parti
Pierre Emmanuel, Babel