Moi je m’en vais, je te laisse dans le soir
Qui, triste pourtant, descend avec douceur
Pour nous autres vivants, avec la clarté cendrée
Que le quartier retient dans sa pénombre
Et qui le transfigure.
Le fait plus grand, et vide
Alentour, et, plus loin, le rallume
D’une vie ardente qui du rocailleux
Brinquebalement des trams, des cris humains,
Dialectaux, fait un concert tumultueux
Et absolu. Et on voit comment au loin
Pour ces êtres pleins de vie qui crient, qui rient,
Dans leurs véhicules, dans leurs tristes
Pâtés de maisons où se dissipe
Le don perfide et expansif de l’existence-
Cette vie n’est rien qu’un tressaillement;
Une présence incarnée, collective;
On y perçoit le manque de toute religion
Vraie; non pas la vie, mais la survie
Peut-être plus allègre que la vie- comme
D’un peuple d’animaux, chez qui l’orgasme
Caché ne connaît d’autre passion
Que celle du labeur quotidien;
Humble ferveur que change en façon de fête
L’humble corruption.
Pier Paolo Pasolini, Les cendres de Gramsci