1 Portugal, douceur rurale, Vendée profonde, rêves aux ailes des caravelles …

Dans l’imaginaire du régime naissant [l’Estado Novo, en 1929], le chef politique est identifié à une bonne maîtresse de maison. Douce image qui file le long des calmes campagnes du Portugal traditionnel, vétuste et humble, la maîtresse de maison est bien plus qu’une métaphore, bien plus qu’une image littéraire. Elle a la force d’une idée politique, empruntée sans doute au vieux cycle du Portugal mythique, travailleur et aux vertus simples. Salazar vient lui donner figure institutionnelle. Comme la maîtresse de maison, héros du foyer, modèle éthique et type social, Salazar s’embarque et nous embarque pour un grand voyage symbolique qui nous apporte sinon la fortune, du moins la figure de notre destin et de notre vérité. salazar-dictadura

L’art de durer

Dans ce pays, qui célèbre alors le huitième centenaire de sa fondation, une autre figure mythique occupe l’imaginaire national, la caravelle d’Henri le Navigateur, le rêve de l’Empire. Tout naturellement, la maîtresse de maison salazariste a les yeux fixés sur ce navire.
Dans sa lutte contre une Mer Ténébreuse [le chaos financier, et surtout, surtout!, le Bolchevisme] on voit Salazar, devenu navigateur, modifier le rythme de la patrie, faisant resurgir son prestige dans le monde. Dans son étrange métamorphose maritime, la maîtresse de maison rêve au passage d’un au-delà du monde:

Comme l’Infant Dom Henri, à l’école de Sagres, penché sur cartes et voies maritimes, aidé par son cosmographe, [Salazar] se penche de même, dans son bureau de la rue Funchal, aidé par ses ministres, sur les comptes de l’État, sur ce Budget naguère une mer ténébreuse et qui devient claire, petit à petit, d’année en année, de bilan en bilan.

L’identification de Salazar à une bonne maîtresse de maison qui a des rêves aux ailes de caravelles est encore et toujours une version de notre sébastianisme.