Armée française 1940 : comme des lions

Dominique Lormier rappelle que la France était aussi bien armée que l’Allemagne.

Certes notre armée avait une grave lacune: les transmissions, archaïques à côté de celles des Allemands, et une insuffisance bien connue, l’aviation: 1300 avions seulement (auxquels il faut ajouter 1200 anglais qui, contrairement à ce qu’a dit la propagande de Vichy furent largement engagés), contre les 4000 appareils de la Luftwaffe.

Mais pour les chars, l’équilibre existe: 3000 français contre 3000 allemands. Les chars français sont en majorité moins bons, notamment parce qu’ils ne comportent pas un poste de tir séparé de celui du conducteur et qu’ils sont plus lents; toutefois sur ces 3000 chars, les 600 Somua S 35 surclassent tous les chars allemands. La légende réactionnaire de l’insuffisance des crédits militaires votés par le Front populaire est ainsi démentie, même si ces crédits, suffisants dans l’ensemble, eussent pu être bien mieux utilisés.

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Tout cela on le savait. L’originalité du livre de Dominique Lormier est de montrer que, loin d’avoir été une lâche débandade, ces deux mois virent sur toute la longueur du front une résistance pied à pied, remplie de faits d’armes héroïques.
En 45 jours, 552 900 soldats furent tués ou blessés dans les deux camps, dont 342 000 Français. Pour la France, 92 000 morts au champ d’honneur, pour l’Allemagne, 50 000, plus qu’à aucun moment de la première guerre mondiale. Les pertes quotidiennes allemandes furent supérieures à celles de la campagne de Russie de 1941. Sur les 3000 chars allemands, 1100 furent détruits ou endommagés, principalement par les Français; sur les 4000 avions allemands, 1400 furent mis hors de combat par les Français et les Anglais, autant qui manquèrent à la Luftwaffe dans la bataille d’Angleterre trois mois après.
La première bataille de chars, celle de Hannut en Belgique, fut une victoire française. Le village de Stonne dans les Ardennes, changea de mains dix-sept fois en trois jours. A Landrecies, deux chars lourds français mirent hors de combat plus de cent véhicules blindés allemands.

4armee-82-d672-img-f-2650-2048x1112IIéme Armée française, Alsace, 1940

Sans l’efficace couverture des Français à Lille et Dunkerque, le rembarquement anglais, qui permit de sanctuariser les Iles britanniques, aurait été impossible.

Tout le monde sait comment le colonel de Gaulle réussit une contre-offensive significative sur la Somme, arrêtée faute de soutien logistique, ou que les cadets de Saumur bloquèrent plusieurs jours 40 000 allemands sur la Loire. L’arrêt de l’offensive italienne sur les Alpes est également bien connu: on sait moins que les chasseurs alpins italiens n’étaient pas des soldats d’opérette, qu’ils ne manquaient ni de moyens ni d’ardeur. Un bataillon de la Légion étrangère composé de juifs allemands combattit jusqu’à être entièrement décimé. Si, dans certaines usines d’armement, des actes de sabotage sporadiques furent commis par des admirateurs du pacte Molotov-Ribbentrop, le 109e RI, composé en majorité de communistes, défendit ses positions entre la Somme et l’Oise au point d’être cité à l’ordre de l’armée après l’armistice. Parmi les nombreux héros de la bataille de France, se signalèrent Léon Zitrone, Jean Ferniot, François Mitterrand (grièvement blessé à Verdun) …
L’esprit de résistance qui perdurait fut brisé quand Pétain demanda dès le 17 juin aux soldats de cesser le combat, alors même que les Allemands n’acceptèrent l’armistice que le 22 juin. Cinq jours fatidiques: tous ceux qui obéirent à cette consigne prématurée furent capturés. Sur les 1 500 000 prisonniers français, 1 100 000 furent pris entre le 18 et le 25 juin.
Par leur personnalité, leurs idéaux politiques, les généraux admettent rapidement l’idée d’une défaite militaire pour ne plus se préoccuper que d’éviter des troubles intérieurs qui pourraient déboucher sur une révolution. Pour ces gens l’armistice est le moyen de préparer la reconstruction selon leur système de valeur. Seule la mémoire allemande n’a pas oublié que la bataille de France ne fut pas pour la Wehrmacht, durement éprouvée, une promenade de santé.

w16_05291200Soldats français, Ardennes

100 000 morts
1940, Le mythe de la guerre éclair