Communiste, le nom du Parti qui gouverne la plus puissante et la plus inégalitaire des dictatures contemporaines

Ce lien présent entre le mot communisme, l’absolutisme étatique et l’exploitation capitaliste doit être présent à l’horizon de toute réflexion sur ce qu’il peut aujourd’hui signifier. Ma propre réflexion sur ce mot partira d’une phrase extraite d’un entretien récemment accordé par Alain Badiou à l’organe du Parti communiste français: L’hypothèse communiste est l’hypothèse de l’émancipation.

Telle que je l’entends, la phrase signifie que le sens du mot est intrinsèque aux pratiques de l’émancipation, que le communisme est la forme d’universalité construite par ces pratiques. Je suis entièrement d’accord avec la proposition ainsi comprise. Reste à définir ce que l’on entend par émancipation …

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Élégante, Lhassa

Sans surprise, je partirai de la notion d’émancipation qui est, à mes yeux, la plus puissante et la plus cohérente, celle qui a été formulée par le penseur de l’émancipation intellectuelle, Joseph Jacotot.

L’émancipation est la sortie d’une situation de minorité. Mineur est celui qui a besoin d’être guidé pour ne pas risquer de s’égarer en suivant son propre sens de l’orientation. Telle est l’idée qui gouverne la logique pédagogique traditionnelle où le maître part de la situation d’ignorance -donc d’inégalité- de l’élève pour le ou la guider, pas à pas, sur le chemin de la connaissance qui est aussi celui d’une égalité à venir. Telle est aussi la logique des Lumières où les élites cultivées doivent guider le peuple ignorant et superstitieux dans les chemins du progrès. C’est là, pour Jacotot, le vrai moyen de perpétuer l’inégalité au nom même de l’égalité. Le processus ordonné conduisant l’ignorant et le peuple vers l’égalité promise au terme de leur instruction présuppose en fait une inégalité irréductible entre deux sortes d’intelligence. Le maître n’y sera jamais égalé par l’élève parce qu’il s’est réservé la science qui fait la différence, celle que l’enfant-élève et l’élève-peuple n’acquerront jamais, et qui est simplement la science de l’ignorance.

À cette logique inégalitaire, la pensée de l’émancipation oppose un principe égalitaire défini par deux axiomes: premièrement, l’égalité n’est pas un but à atteindre, elle est un point de départ, une présupposition qui ouvre le champ d’une possible vérification. Deuxièmement, l’intelligence est une. Il n’y a pas l’intelligence du maître et l’intelligence de l’élève, l’intelligence du législateur et celle de l’artisan, etc. Il y a une intelligence qui ne correspond à aucune position dans l’ordre social, qui appartient à n’importe qui en tant qu’intelligence de n’importe qui. L’émancipation veut alors dire: l’affirmation de cette intelligence une et la vérification du potentiel de l’égalité des intelligences.

Rompre avec le présupposé pédagogique de la dualité des intelligences, c’est aussi rompre avec la logique sociale de la distribution des positions telle que Platon l’a fixée en deux propositions de La République qui expliquent pourquoi les artisans doivent faire leur travail propre et rien d’autre: premièrement parce que le travail n’attend pas, deuxièmement parce que le dieu leur a donné l’aptitude propre à l’exercice de ce travail, qui implique l’inaptitude à toute autre occupation.

L’émancipation des travailleurs implique alors l’affirmation que le travail peut attendre et qu’il n’y a pas d’aptitude -donc pas d’inaptitude- propre à l’artisan. Elle implique la rupture des liens de nécessité liant une occupation avec une forme d’intelligence et l’affirmation de la capacité universelle égale de ceux qui étaient censés avoir seulement l’intelligence propre à leur travail, c’est-à-dire l'(in)intelligence correspondant à leur position subordonnée. 

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Tibet

L’émancipation implique ainsi un communisme de l’intelligence, mis en œuvre dans la démonstration de la capacité des incapables: la capacité de l’ignorant d’apprendre par lui-même, dit Jacotot. Nous pouvons ajouter: la capacité pour l’ouvrier de laisser son regard et son esprit s’évader du travail de ses mains, la capacité pour une collectivité de travailleurs de stopper ce travail qui n’attend pas, bien qu’ils en aient besoin pour vivre, de transformer l’espace privé de l’atelier en espace public, d’organiser la production par eux-mêmes ou de prendre en charge le gouvernement d’une ville que ses gouvernants ont abandonnée ou trahie, et toutes les formes d’invention égalitaire propres à démontrer la puissance collective des hommes et des femmes émancipés.

C’est ici que la difficulté apparaît: dans quelle mesure l’affirmation communiste de l’intelligence de n’importe qui peut-elle coïncider avec l’organisation communiste d’une société? Jacotot déniait totalement cette possibilité. L’émancipation, soutenait-il, est une forme d’action qui peut se transmettre à l’infini, d’individu à individu.
En cela elle s’oppose strictement à la logique des corps sociaux, logique d’agrégation commandée par des lois de gravitation sociale analogues à celles de la gravitation physique. N’importe qui peut s’émanciper et émanciper d’autres personnes, et l’on peut imaginer l’humanité entière faite d’individus émancipés. Mais une société ne peut pas être émancipée.

Ce n’est pas là seulement la conviction personnelle d’un penseur excentrique. Et ce n’est pas non plus simple affaire d’opposition entre individu et collectivité. La question est de savoir comment la collectivisation de la capacité de n’importe qui peut coïncider avec l’organisation globale d’une société, comment le principe an-archique de l’émancipation peut devenir celui d’une distribution sociale des places, des tâches et des pouvoirs.
C’est un problème qu’il serait temps de poser à l’écart des sermons rebattus sur la spontanéité et l’organisation. L’émancipation est assurément un désordre, mais ce désordre n’a rien de spontané. Et, à l’inverse, l’organisation n’est souvent que la reproduction spontanée des formes existantes de discipline sociale. Qu’est-ce qu’une discipline de l’émancipation? Tel était le problème de ceux qui, au siècle de Jacotot, entreprenaient de créer des colonies communistes comme Cabet, ou des partis communistes comme Marx et Engels.

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Les colonies communistes comme la colonie icarienne conduite par Cabet aux États-Unis ont échoué. Elles n’ont pas échoué, selon l’opinion paresseuse, parce que les caractères individuels ne pouvaient se plier à la discipline commune, mais à l’inverse, parce que la capacité communiste, le partage de la capacité appartenant à tous, ne pouvait se privatiser, se transformer en vertu privée de l’homme communiste. La temporalité de l’émancipation -la temporalité de l’exploration du pouvoir intellectuel collectif- n’a pu coïncider avec l’emploi du temps d’une société organisée donnant à chacun et chacune sa place et sa fonction. D’autres communautés à l’alentour s’en sont beaucoup mieux sorti. La raison en est simple: elles n’étaient pas composées de travailleurs communistes émancipés, mais d’hommes et de femmes réunis sous l’autorité d’une discipline religieuse. La Communauté icarienne, elle, était composée de communistes.

Et dès le départ son communisme s’est trouvé scindé entre une organisation communiste de la vie quotidienne, ordonnée par le Père de la Communauté, et une assemblée égalitaire, incarnant le communisme des communistes. Après tout, un travailleur communiste est un travailleur qui affirme sa capacité de faire et de discuter les lois communes au lieu de se limiter à l’exécution de sa tâche d’utile travailleur.

C’est, ne l’oublions pas, le problème que La République de Platon avait résolu à sa manière. Dans cette république, les travailleurs, les hommes à l’âme de fer, ne peuvent pas être communistes; seuls les législateurs à l’âme d’or peuvent doivent renoncer à l’or matériel pour vivre, en communistes, de la production des travailleurs non communistes.

La république se définit alors comme le pouvoir des communistes sur les travailleurs. C’est une vieille solution mais elle est encore en honneur dans l’État communiste que je mentionnais en commençant, au prix d’un sérieux renforcement du corps des Gardiens.

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Quant à Marx et Engels, ils décidèrent de dissoudre le parti communiste qu’ils avaient eux-mêmes créé et d’attendre que l’évolution des forces productives mette de vrais prolétaires communistes à la place de ces ânes bâtés qui se considéraient comme leurs frères sans rien comprendre de leur théorie. Le communisme, pour eux, ne pouvait être la réunion d’individus émancipés expérimentant la vie collective comme réponse à l’égoïsme et à l’injustice de la société. Ce devait être la pleine réalisation d’une forme d’universalité déjà à l’œuvre dans l’organisation capitaliste de la production et l’organisation bourgeoise des formes de vie. C’était l’actualisation d’une rationalité collective existant déjà, sous la forme même de son contraire, la particularité des intérêts privés. Les forces collectives de l’émancipation existaient déjà. Manquait seulement la forme de leur réappropriation subjective et collective.

Le seul problème était ce seulement. Mais on pouvait tourner la difficulté au prix de deux axiomes. Premièrement, il y a une dynamique intrinsèque au développement des forces productives: ce développement met par lui-même en œuvre une puissance de communauté qui doit faire exploser les formes de l’intérêt privé capitaliste. Deuxièmement, il le doit d’autant plus qu’il détruit par sa logique même toutes les formes de communauté séparées incarnées par la famille, l’État, la religion ou toutes les autres relations sociales traditionnelles. Ainsi le problème du seulement se trouvait retourné: le communisme apparaissait comme la seule forme de communauté possible dans la débâcle des autres.
Il était ainsi possible de supprimer la tension entre les communistes et la communauté. Cette solution avait seulement l’inconvénient d’effacer l’hétérogénéité de la logique de l’émancipation par rapport à la logique de développement de l’ordre social. Elle effaçait ce qui est le cœur de l’émancipation, à savoir le communisme de l’intelligence, l’affirmation de la capacité de n’importe qui d’être là où il ne peut pas être et de faire ce qu’elle ne peut pas faire. Elle tendait au contraire à fonder la possibilité du communisme sur leur incapacité.

Mais cette déclaration d’incapacité est elle-même à double ressort. D’un côté elle lie la possibilité d’une subjectivité communiste a une expérience de dépossession résultant du processus historique: le prolétariat, dit Marx, est la classe de la société qui n’est plus une classe de la société mais le produit de la décomposition de toutes les classes. Il n a ainsi rien à perdre que ses chaînes. Et la conscience de sa situation, nécessaire à sa constitution en force révolutionnaire, est quelque chose que cette situation même le force à acquérir. La compétence du prolétaire s identifie ainsi à un or de la connaissance qui n’est que le produit de l’expérience de l’homme de fer, l’expérience de la fabrique et de l’exploitation. Mais, d’un autre côté, cette condition qui doit l’instruire est posée elle-même comme une condition d’ignorance produite par le mécanisme même de la domination idéologique: l’homme de fer, l’homme pris dans le système de l’exploitation ne peut voir ce système que dans le miroir inversé de l’idéologie.
C’est pourquoi la compétence du prolétaire ne peut être sa compétence. Elle est la connaissance du processus global -et des raisons de son ignorance- une connaissance accessible seulement à ceux qui ne sont pas pris dans la machine, aux communistes en tant qu’ils ne sont rien d’autre que communistes.

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L’hypothèse communiste n’est possible que sur la base de l’hypothèse de l’émancipation. Elle n’est possible que comme collectivisation du pouvoir de n’importe qui. Mais, dès ses origines, le mouvement communiste -j’entends par là le mouvement qui s’est donné pour but la création d’une société communiste- a été imprégné de la présupposition contraire, la présupposition inégalitaire sous ses diverses formes: hypothèse pédagogico-progressiste de la différence des intelligences; analyse contre-révolutionnaire de la Révolution française comme éclosion de l’individualisme détruisant les formes traditionnelles de communauté et de solidarité; dénonciation bourgeoise de l’appropriation sauvage des grands mots, images, idées et aspirations par les enfants du peuple, etc.
L’hypothèse de l’émancipation est une hypothèse de confiance. Mais le développement de la science marxiste et des partis communistes l’a mêlée à son contraire, une culture de méfiance fondée sur la présupposition de l’incapacité du plus grand nombre à voir et à comprendre.

Très logiquement, cette culture de méfiance a repris à son compte la vieille opposition platonicienne entre le communiste et l’ouvrier. Elle l’a fait sous la forme d’un double bind, disqualifiant l’enthousiasme des communistes au nom de l’expérience des travailleurs et l’expérience des travailleurs au nom du savoir de l’avant-garde communiste. Le travailleur y a joué tour à tour le rôle de l’individu égoïste, incapable de voir au-delà de ses intérêts économiques immédiats, et celui de l’expert formé par la longue et irremplaçable expérience du travail et de l’exploitation. Le communiste, de son côté, a joué soit le rôle de l’anarchiste petit-bourgeois, impatient de voir ses aspirations se réaliser, quitte à mettre en péril la marche lente et nécessaire du processus, soit celui du militant instruit entièrement dévoué à la cause collective.

La répression mutuelle de l’âme d’or communiste par l’homme du fer ouvrier et de l’homme du fer ouvrier par l’âme d’or communiste a été menée par tous les pouvoirs communistes, de la NEP à la révolution culturelle, et elle a été intériorisée par la science marxiste comme par les organisations gauchistes. Pensons seulement à la façon dont ma génération est passée de la foi althussérienne en la science, chargée de dévoiler les inévitables illusions des agents de la production, à l’enthousiasme maoïste pour la rééducation des intellectuels par le travail d’usine et l’autorité des ouvriers -quitte à confondre la réeducation des intellectuels par le travail manuel avec la rééducation des dissidents par les travaux forcés.

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Tirer l’idée communiste de ce double bind me semble être un objectif essentiel si quelque chose de neuf doit être pensé sous ce nom. Il ne vaut pas la peine de ranimer les discussions sur la bonne organisation et les moyens de la prise du pouvoir. L’histoire des partis et États communistes peut nous enseigner comment bâtir de solides organisations pour prendre et conserver le pouvoir d’État. Elle est beaucoup moins propre à nous dire à quoi peut ressembler le communisme comme pouvoir de n’importe qui.
Je m’accorde donc avec Alain Badiou pour penser que l’histoire du communisme comme histoire de l’émancipation est d’abord celle de moments communistes, lesquels ont généralement été des moments d’évanouissement des institutions étatiques et d’affaiblissement de l’influence des partis institutionnels. Le mot ne doit pas prêter à méprise. Un moment n’est pas simplement un point évanouissant dans le cours du temps. C’est aussi un momentum, un déplacement des équilibres et l’instauration d’un autre cours du temps.
Un moment communiste, c’est une configuration nouvelle de ce que le commun veut dire, une reconfiguration de l’univers des possibles. Ce n’est pas seulement un temps de libre circulation de particules déliées. Les moments communistes ont montré plus de capacité organisatrice que la routine bureaucratique. Mais il est vrai que cette organisation a toujours été celle du désordre, au regard de la distribution normale des places, des fonctions et des identités.

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Si le communisme est pensable pour nous, c’est comme la tradition créée par ces moments, célèbres ou obscurs, où de simples travailleurs, des hommes et des femmes ordinaires, ont montré leur capacité de se battre pour leurs droits et pour les droits de tous, de faire marcher des usines, des sociétés, des administrations, des écoles ou des armées en collectivisant le pouvoir de l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui. Si quelque chose mérite d’être reconstruit à cette enseigne, c’est une forme de temporalité singularisant la connexion de ces moments.
Ce qui devrait aussi nous conduire à remettre en question une autre forme contemporaine du discours marxiste: celle qui nous décrit un stade final du capitalisme produisant une petite bourgeoisie mondiale incarnant la prophétie nietzschéenne du règne du dernier homme: un monde entièrement voué au service des biens, au culte de la marchandise et du spectacle, à l’injonction surmoïque de la jouissance et aux formes narcissiques d’auto-expérimentation généralisée. Ceux qui nous décrivent ce triomphe global de l’individualisme de masse s’accordent pour lui donner le nom de démocratie. La démocratie apparaît ainsi comme le monde vécu produit par la domination du Capital et par la destruction galopante de toutes les formes de communauté et d’universalité qui l’accompagne.

Cette description construit alors une simple alternative: ou bien la démocratie -c’est-à-dire le méprisable règne du dernier homme- ou un au-delà de la démocratie qui prend alors tout naturellement la figure du communisme. Le problème est que bien des gens aujourd’hui partagent cette description tout en en tirant des conclusions exactement opposées: intellectuels de droite déplorant la destruction par la démocratie du lien social et de l’ordre symbolique; sociologues à l’ancienne opposant la bonne vieille critique sociale à la pernicieuse critique artiste des révoltés de 1968; sociologues postmodernes se moquant de notre incapacité à accepter le règne de l’abondance universelle; philosophes nous conviant à la tâche révolutionnaire d’aujourd’hui qui serait de sauver le capitalisme en lui insufflant un contenu spirituel nouveau, etc … Au sein de cette constellation, la simple alternative (bourbier démocratique ou sursaut communiste) apparaît vite problématique.
Quand on a décrit le règne infâme du narcissisme démocratique universel, on peut certes en conclure: seul le communisme nous sortira de ce marécage. Mais la question se pose alors: avec qui, avec quelles forces subjectives prétend-on construire ce communisme? L’appel au communisme à venir ressemble alors davantage à une prophétie heideggérienne appelant au retournement au bord de l’abîme, à moins qu’il ne détermine des formes d’action qui se proposent le seul objectif de frapper l’ennemi et de bloquer la machine capitaliste. Le problème est que, pour le blocage de la machine économique, les traders américains et les pirates somaliens se sont prouvés plus efficaces que les militants révolutionnaires. Malheureusement leur sabotage efficace ne crée aucun espace pour aucun communisme.
Nous savons que le mot démocratie peut couvrir bien des choses différentes, mais nous savons aussi qu’il en va de même pour le mot communisme. Et le fait est qu’en combinant la foi dans la nécessité historique avec la culture du mépris nous arrivons à un type de communisme bien spécifique: le communisme comme l’appropriation des forces productives par le pouvoir d’État et leur gestion par une élite. Encore une fois, ce peut être un avenir pour le capitalisme.
Ce n’en est pas un pour l’émancipation. Le futur de l’émancipation peut seulement consister dans le développement autonome de la sphère du commun créée par la libre association des hommes et des femmes qui mettent en acte le principe égalitaire.
Devons-nous nous contenter d’appeler cela démocratie? Y a-t-il un avantage à l’appeler communisme?

Je vois trois raisons qui peuvent justifier ce dernier nom. La première est qu’il met l’accent sur le principe d’unité et d’égalité des intelligences. La seconde est qu’il souligne l’aspect affirmatif inhérent à la collectivisation de ce principe. La troisième est qu’il indique la capacité d’autodépassement inhérent à ce processus, son infinité qui implique la possibilité d’inventer des futurs qui ne sont pas encore imaginables.
Je rejetterais le terme, en revanche, s’il signifiait que nous savons ce que cette capacité peut réaliser comme transformation globale du monde et que nous connaissons la voie pour y arriver. Ce que nous savons, c’est seulement ce que cette capacité est capable de réaliser aujourd’hui comme formes dissensuelles de combat, de vie et de pensée collectifs. Le réexamen de l’hypothèse communiste passe par l’exploration du potentiel d’intelligence collective inhérent à ces formes. Cette exploration suppose elle-même la pleine restauration de l’hypothèse de confiance.

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Jacques Rancière, extraits d’une communication faite au colloque tenu les 13, 14 et 15 mars 2009 au Birkbeck Institute for the Humanities à Londres, reprise dans Moments politiques.