Je vous salue Marie 63

Domenico Beccafumi, Annunciazione

Gabriel se présente devant Marie les bras croisés sur la poitrine, dans une attitude qui exprime tout à la fois le respect, la dévotion mais aussi le salut. Comme s’il s’apprêtait à s’incliner devant la figure divine de la Vierge en même temps que devant l’insondable Mystère de l’Incarnation dans lequel lui-même s’apprête à jouer un rôle rien moins qu’essentiel. De son côté, la Vierge, vient de s’interrompre dans sa lecture. Le livre qu’elle tient encore en main, ainsi que l’exégèse nous l’apprend, c’est l’Ancien testament. Qui plus est, il est ouvert, ce livre, à la page de la prophétie d’Isaïe (Ecce virgo concipiet et pariet … ), cette même prophétie que l’intervention de l’Ange s’apprête, par les paroles qu’il va prononcer, qu’il a déjà prononcées, à réaliser dans l’instant présent.

Marie, dérangée dans sa lecture, ne regarde pas plus l’ange que celui-ci ne la regarde, comme s’ils se connaissaient de tous temps; elle esquisse un timide geste de retrait, presque peureux, face à l’apparition. Au-dessus de la scène apparaît la colombe du Saint Esprit, symbole de la présence divines. Beccafumi en souligne la portée en faisant de la colombe une pâle source lumineuse d’où émane un halo paraissant pourtant éclairer la scène.

Celle-ci se déroule à l’intérieur d’une maison dans laquelle il nous faut reconnaître celle de Marie. L’artiste, fidèle à sa prédilection pour le style classique de la Renaissance, à choisi de la représenter sous l’apparence d’un imposant édifice dont la majestueuse voûte en plein cintre se prolonge loin dans la profondeur, comme s’il fallait donner à l’événement un cadre digne de son caractère exceptionnel. S’ajoutant à cette mise en scène somptueuse, deux voiles verts, au premier plan, suspendus de chaque côté, donnent à l’ensemble l’apparence d’une scène de théâtre dont le décor illusionniste viserait à créer l’impression de la profondeur maximale, ainsi qu’on le voit dans les théâtres de la Renaissance parvenues jusqu’à nous avec leur dispositifs scénographiques intacts.

La naissance de Marie, détail

Dans le fond, à l’infini, s’ouvre un paysage splendide et surprenant -s’agit-il d’un bord de mer? D’un lac? Aujourd’hui? Demain?- éclairé par la lueur menaçante d’un orage qui s’annonce à travers les nuages sombres qui s’amoncellent vers l’avant.

Deux arbres se détachent sur le fond de ce paysage. L’un est sec, l’autre non, symboles à eux deux d’un changement d’ère sur le point d’advenir.

Stéphane Mendelssohn