Un été dans les ronces

C’est l’ère de la paix, des vaccins et des pommes de terre mais les puits respirent lourdement.

La chaleur accoste sur les villages les plus lointains.
Les portes du village sont ouvertes, les dalles luisent de la patience de la géologie.

Les moulins de l’Europe broient le vent. Les oies sauvages font route vers le nord. C’est dans l’été 1827.

Eric: brisé par un tour de rein, mutilé par une balle au fond de l’âme.

Il partit pour la ville, y rencontra l’Ennemi et s’en revint malade et blanc. Cet été-là, on le déclare perdu: aux murs les outils. Il reste éveillé, il entend la nuit le papillonnement laineux des amis du clair de lune.

Ses forces s’épuisent, il cogne vainement à des lendemains bardés de fer. Et le Dieu des ténèbres lui crie du fond du gouffre: Délivre-moi!

Le vent fraîchit et les églantiers s’agrippent à la lumière qui fuit. L’avenir se dévoile, Eric regarde dans le kaléidoscope qui tourne sur lui-même, voit voleter des visages indistincts qui appartiennent aux générations à venir.
Son regard me touche par mégarde quand je me promène ici, dans les ronces.

Sous les ronces, où les rêves des pauvres se changent en gravats.

En poussière.

Thomas Tranströmer, Pour les vivants et les morts, 1989

Giacomo Brunelli