On est étrange quand on est perdu, lui dit son père.
Saïd n’entendit pas le reste.
Il ne pouvait pas compter les vagues
Qui l’avaient mené sur l’autre côté
Du détroit de Gibraltar
Alors il déchira sa mémoire,
Laissant derrière lui les lieux d’où il venait,
Et il apprit à prier autrement. Il s’agenouilla au lieu de se prosterner.

Il compta les pierres,
Dessina les piliers de l’église,
Parla toutes les langues sauf la sienne.
Des années plus tard, assis dans une cour, il est saisi par le bruit du vent
Qui sonne presque comme l’appel du muezzin. Il sent une petite flamme le long de son cœur, et il entend la voix de son père
Nous ne sommes rien d’autre qu’une image, le fruit de notre sommeil -comment expliquer notre voyage aux autres?
Il regarde la cour
Où se dressait jadis une mosquée
Et il comprend ce que son père n’avait pas su
Que ce qui est sacré revient toujours.