Je ressens quelque fois que mes recherches historiques m’arrivent comme un don, un don des gens du passé et des autres historiens morts et vivants. Ce qui m’impose l’obligation de raconter leurs vies et leurs mondes dans le cadre de l’exercice d’une responsabilité -et de les raconter non pas comme ils les auraient racontés, mais en étant attentive à leurs récits et leurs revendications. Pour moi, cette responsabilité entraîne l’écriture d’une histoire qui n’offre pas de leçons directes -un huis clos- mais qui déplace l’historienne elle-même aussi bien que ses lecteurs. Cette histoire demande l’empathie et la distance, et elle articule des affirmations relatives au passé à la certitude que ces affirmations peuvent être interrogées et modifiées. Cette histoire révèle les possibles du passé -admirables, troublants, ennuyeux, étonnants- et, comme telle, elle nous fait penser des possibles pour le présent et pour le futur. Pour moi, ces possibles du passé invitent à l’engagement humain et suggèrent une lueur d’espoir en l’avenir.
Nathalie Zenon Davis, Tout feu tout flamme, entretiens avec Denis Crouzet
Lucas Cranach, une nymphe qui fait la sieste, à quoi rêve-t-elle?
N. m’a entrainé dans une sphère de la posture introspective et des cheminements empruntés au XVIe siècle pour faire l’expérience et la découverte de la conscience. Pas la conscience dont réformés et catholiques se disputent la genèse et qui auraient procédé par une auscultation et une dissection de soi, par une constante jauge ou évaluation de soi. Ce que Nostradamus a vécu, avant les voix changeantes qu’écoutait Montaigne en lui-même, est sans doute l’appréhension d’une conscience synonyme d’autofiguration dans le reflet de la méchanceté de l’homme.
Le cogito nostradamien s’accomplit face au mal qui envahit le monde et dont parle le monde, il se détermine comme la saisie d’un risque en soi dont le monde est la preuve sans cesse refaçonnée. Une démarche réflexive est élaborée subjectivement en tant que parole, qui dit et redit allégoriquement que le mal existe en soi et dans les autres, dans le grand théâtre du monde, et qui en appelle à résister en pensée et en espérance à l’injustice, à la force, à l’agression. Les quatrains astronomiques de prophétie ouvrent donc moins sur une futurologie que sur la problématique de la conscience, de son émergence dans le fil d’un siècle où croire pouvait être périlleux, où penser était un risque. L’esprit de prophétie qui animait Nostradamus serait la conscience en genèse, œuvrant dans une liberté chrétienne dont la manifestation la plus évidente serait la liberté laissée aux mots, leur mise en instabilité signifiante. Ce serait de la sorte que pourraient se comprendre les infinis secrets d’une occulte philosophie. Une liberté refusant de plier devant les haines qui se revendiquent de Dieu.
La figure de Nostradamus, tutélaire, énigmatique et bénéfique, est bien présente dans la Provence Moderne, j’en atteste! Pas romain pour un sou, chrétien pas tout à fait, et pourtant saint de Dieu, un Roi Mage!
Frédéric Mistral raconte que ses parents avaient d’abord voulu l’appeler Notredame. Il faut prêter l’oreille aux harmoniques consciemment tissées entre la renaissance provençale: Les Sept félibres -la libre foi!- les proses d’Almanach, la Reine Jeanne … et l’évangélisme du seizième siècle.
Enfin, a bout d’esplicaioun
Diran: Es lou toumbèu d’un mage
Car d’uno estello à sèt raioun
Lou monumen porto l’image