
Les Annonciations d’Edward Hopper
L’Annonciation, en tant qu’elle est le moment insituable où l’Incarnation s’effectue, n’est pas un sujet parmi d’autres: c’est de l’Incarnation, ou de l’humanisation, ou de l’échange de paroles, que la culture reçoit sa possibilité et son sens.
L’Annonciation représente donc le plus grand défi qui se puisse imaginer pour la liturgie, pour la pensée, pour l’artiste.
La scène est figurable. Mais ce qu’il faut indiquer à travers elle, c’est ce qui est infigurable. Cette antinomie est la forme même de la Révélation. Celle-ci suppose que s’ouvre un mystère dépassant toute connaissance; et donc que la scène de l’Annonciation doit représenter ce qui est au-delà de toute image.
S’il n’y a pas de mystère et de profondeur, si l’objet de la révélation peut être sondé jusqu’au fond par un acte de la cognition, nous avons un savoir, et non pas une révélation. Et si le mystère reste inconnu, n’apparaît pas, il n’existe pas pour l’homme. L’inaccessibilité du mystère, dans la révélation, est donc corrélative avec sa connaissance. Le transcendant devient immanent, sans perdre sa nature; de même qu’inversement l’immanent pénètre le transcendant, sans le surmonter. D’où la double injonction qui pèse sur la peinture, qui doit toujours signifier, à la fois c’est cela, et ce n’est pas cela. C’est-à-dire: oui, l’invisible est bel et bien présent dans le visible; mais d’un autre côté l’invisible n’est pas visible.
L’image doit représenter ce qui fonde l’interdit de la représentation: le refus de toute idolâtrie.
Sinon elle est sans hors-champ, saturée, pornographique, comme un film de Benigni, un travelling sur les barbelés d’un camp d’extermination, ou un débat télévisé.
11 commentaires sur “Esquisse d’une phénoménologie de l’Annonciation”
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