Par une nuit de soleil éclatant. Je suis dans la forêt et regarde ma maison aux murs couleurs de brume …

transtroemer_tomas

… Son bois est imprégné de quatre couches de joie et de trois couches de douleur. Quand celui qui l’a habitée meurt, on repeint la maison. Le mort la peint lui-même, sans pinceau, du dedans.

De l’autre côté, il y a un terrain découvert. Un ancien jardin, aujourd’hui à l’abandon. Des brisants immobiles d’herbes folles, des pagodes d’herbes folles, un texte qui jaillit, des versets d’herbes folles, une flotte viking, des têtes de dragons, des lances, un empire d’herbes folles!

Au-dessus du jardin abandonné voltige l’ombre d’un boomerang, lancé encore et encore. Il est relié à quelqu’un qui a vécu dans la maison, bien avant mon époque. Presque un enfant. Une impulsion en émane, une pensée, une résolution: dessiner. Pour échapper à son destin.

Ici, dans la maison, l’agitation règne sous le toit, et dans les murs la paix. Le tableau d’un peintre amateur est accroché au-dessus du lit: il représente un bateau de dix-sept voiles, des crêtes de vagues qui moussent et un vent que le cadre doré ne parvient pas à contenir.

C’est toujours tôt ici, c’est avant la croisée des chemins. Au loin, un moteur étire l’horizon de cette nuit d’été. La douleur et la joie se dilatent ensemble, sous le verre grossissant de la rosée.

Thomas Tranströmer