Je suis un cheval de course dans une ville sans hippodrome

J’ai subi les atrocités des couchers de soleil,

Et mes fibres brûlent, et je lève une main de barbelés rouges.

La lune non plus n’a pas de pitié: elle voudrait m’attirer

À elle, stérile et cruelle.

Sa splendeur me foudroie. Ou peut-être est-ce moi qui l’ai attrapée.

Je la laisse partir. Je la laisse partir

Je suis cette demeure hantée par un cri.

La nuit, ça claque des ailes

Et part, toutes griffes dehors, chercher de quoi aimer.

Je suis terrorisée par cette chose obscure

Qui sommeille en moi;

Tout le jour je devine son manège, je sens sa douceur maligne.

Qu’est-ce donc maintenant que ce visage

Sanguinaire dans son étranglement de branches?

Son sifflement de serpents acides

Pétrifie la volonté. C’est la faille isolée, l’erreur lente

Qui tue, qui tue, qui tue.

La voix dans l’orme, 19 avril 1962

Traduit de l’anglais par Valérie Rouzeau, Gallimard.