II Qui est mon prochain ?

Monsieur Vance, le vice-président américain, qui s’est converti au christianisme, se réclame dans ses meetings, comme autrefois Le Pen, d’un prétendu ordo amoris augustinien:

Vous aimez votre famille, puis vous aimez votre voisin, puis vous aimez votre communauté, puis vous aimez vos concitoyens dans votre propre pays. Après cela, vous pouvez vous concentrer sur le reste du monde et lui donner la priorité.

Après quelques instants de réflexion … Certes il y a un devoir d’état de s’occuper de ceux dont vous avez la responsabilité. Mais il est déjà évident que cela serait impossible dans un monde sans société civile, sinon avec un gourdin à l’entrée du terrier famiial.

Quant à l’évangile il s’attache tout entier à dépasser cet ordre mortifère. Deux textes semblent constituer une référence:

1 L’épisode où la foule dit à Jésus: ‘Voici, ta mère et tes frères sont dehors, ils te cherchent’. Il leur répond : ‘Qui sont ma mère et mes frères?’ Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit: ‘Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère et ma sœur et ma mère.’ Un autre type de relation est en train de naître où les liens générationnels sont réalisés -pas abolis!- dans une dimension supérieure.

2 La parabole du bon Samaritain qui renverse complètement notre vision de l’amour. Il ne s’agit plus de se demander: Qui est mon prochain? Mais: Comment puis-je me faire proche de l’autre, de l’étranger? C’est-à-dire, en me décentrant, comment puis-je grandir dans ma liberté?

Pas immédiatement. En prenant l’étranger sur le dos, pour le soigner, ce qui est un effort, un engagement, un voyage, un suivi, ce qui demande un calendrier, des institutions: une auberge, un baume, déjà disponible, qu’il a fallu confectionner et expérimenter, l’usage de l’argent et du crédit pour payer l’auberge-hôpital.

La liberté, l’égalité et la fraternité s’entre-supposent. Dans la fraternité, en supposant l’égalité je la fais advenir, et je fais exister ma liberté en m’engageant: telle est la liberté positive de Timothy Snyder, qui a le génie de parler avec simplicité de choses très simples et très compliquées. La liberté n’est donc en rien le contraire et le rejet des structures, de l’État-Providence et de la solidarité sociale. Le contresens de ce-dont-Trump-est-le nom sur la liberté, qui était celui du nazisme, est babylonien-démoniaque.

Charles Angrand

Un homme descend de Jérusalem à Jéricho et est assailli par des bandits et laissé à moitié mort. Par coïncidence, un prêtre empruntait également la même route et, voyant l’homme, il a évité de s’en approcher, peut-être pour préserver la pureté juridique de son statut. Un lévite fit de même: il passa par là, le vit et ne s’approcha pas non plus de lui. Tous deux, comme ils revenaient de l’exercice de leur fonction sacerdotale à Jérusalem, ne sont pas capables de conjuguer l’amour du prochain avec le service de Dieu. Cependant, un troisième homme, considéré comme méprisable parce qu’il était un Samaritain, passa par là et le vit, ému par la compassion -plus littéralement ses entrailles ont bougé.

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