… Disait T.S. Eliot
La poussière infinie que forment les univers-mondes tourbillonne, insensée
La poussière, tout un symbole! Mais jamais elle ne fera un tout, alors comment la poussière pourrait-elle être un symbole? Sym-bolon signifie en grec ce que l’on rapproche -ce que, littéralement, on jette (βάλλω) ensemble (σύν). Or quand on jette la poussière, elle s’éparpille: la poussière est déliaison.

Lionel Sabatté, Le pollen d’outre Cime
Dépourvue d’unité substantielle (elle est indifféremment cendres, balles de blé, usure de la pierre…), elle est ce qu’on amalgame pour mieux la balayer. Elle existe, mais sans être quelque chose. Néant qui n’aurait même pas su aller au bout de lui-même, la poussière a juste assez de consistance pour dire que rien n’en a. Poussière, la balle de blé que la récolte ne retient pas. Poussière, le pain devenu sec. Inutile, incomestible, irrécupérable. Elle est ce que le serpent est condamné à mordre, ce qui reste quand il ne reste plus rien. Elle est l’effet cherché de l’extermination. Un agglomérat de points de non-retour.
Les poussières sont notre jugement: il suffit d’un soupir de Dieu, et tout ce qui manque d’assise disparaît. Elles sont les lambeaux en lesquels nous tombons. Elles qu’on ne veut pas inspirer, nous inspireraient d’ériger moins de statues: destin des idoles!. Tout retourne à elles. Cette leçon d’humilité colle à notre peau, se mêle à la sueur, s’infiltre dans nos foyers. La poussière est ce monde dont nous faisons partie. Elle est le sol païen que les pieds doivent fouler -aussi le Juif prendra soin de secouer la poussière de ses sandales.
Elle est pourtant ce que touche Jésus avec ses pieds nus, ce qu’il mange quand il tombe trois fois, ce dont il se sert pour guérir l’aveugle. Il dessine sur elle. C’est d’elle que nous sommes sauvés, arrachés, à partir d’elle que nous sommes façonnés. Le meilleur s’effrite et s’effiloche s’il ne tient par le souffle de l’Esprit.

Missel à l’usage de Saint-Pol de Léon, après 1562
Aussi, les poussières donnent-elles matière à notre pénitence et à notre crainte. On s’en couvre, on s’y ensevelit. Lors du rite des Cendres, l’Église entière fait de même, comme pour dire qu’il n’est ici aucun résident régulier, mais seulement des invités par surcroît. On gardera entre ses doigts de pieds la fine poussière de ces créatures de rien qui se sont toutefois laissé dire qu’elles ont du prix. Elles dansent désormais dans le rai de lumière de Dieu.
Où vous trouverez les références bibliques, pratiquement à chaque phrase