Dans une ténébreuse et profonde unité

Parfois nous voyons un nuage en forme de dragon,

Une vapeur parfois, comme un ours ou un lion,

Une haute citadelle hérissée ou un promontoire

Avec des arbres par dessus qui font signe au monde

Et se jouent de nos yeux avec de l’air. 

Shakespeare. Antoine et Cléopâtre, Acte IV, scène 14

La réalité est à la fois une réalité sensible, une représentation concrète, un contour, un dessin et une signification. Le réseau des analogies s’organise donc en un réseau de signatures qui révèlent, à travers le jeu des ressemblances sensibles, des équivalences de signification. Une telle écriture demande toutefois à être déchiffrée. Or ce déchiffrement, c’est le devoir, et le domaine, de l’art, de la poésie. Déchiffrement qui prend l’allure d’une traduction: Qu’est-ce qu’un poète, poursuit Baudelaire, si ce n’est un traducteur, un déchiffreur?

Cette faculté, ce don de traduction, le poète le doit à son imagination. Ici, il convient de citer la lettre à Toussenel du 21 janvier 1856:

II y a bien longtemps que je dis que le poète est souverainement intelligent, qu’il est l’intelligence par excellence, et que l’imagination est la plus scientifique des facultés, parce que seule elle comprend l’analogie universelle ou ce qu’une religion mystique appelle la correspondance.

Comme le précisent les Notes nouvelles sur Edgar Poe, l’imagination n’est pas la fantaisie; elle n’est pas non plus la sensibilité, bien qu’il soit difficile de concevoir un homme imaginatif qui ne serait pas sensible. L’imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d’abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secret des choses, les correspondances et les analogies.

L’imagination est la seule force capable de révéler et d’éclairer la ténébreuse et profonde unité de la Nature. L’Être est cela qui demande de nous création pour que nous en ayons connaissance, a dit Merleau.

John E. Jackson

Paréidolie volontaire, autrement dit fresque en trompe-l’œil

Souche en forêt