
Eustache en Crète, XIVéme siècle
Si seulement je pouvais le voir! Rien que le voir. Mesurer ce qu’il a sur la tête, ce bois d’os plus dur que le plus dur des bois d’ébène, né d’une souche aux plis de dentelle et sculpté tout le long des perches de nervures, rainures, perlures, jusqu’aux pointes lisses et blanchies comme des épieux d’arbre sec.
Sa force et sa taille sont des signes de l’âge, et cet âge est le signe de l’intelligence qui lui a permis de vivre si longtemps, en triomphant de la menace des hommes comme il a triomphé en d’autres temps de la menace des loups-cerviers, des chats-pards et des tigres.
Il a dans le centre du cœur un os dont le contour évoque le dessin de la constellation de la Croix du Sud et dont un quart de la terre a fait une amulette magique. Ses couilles, ou daintiers tirent leur nom du mot latin dignitas. Il est l’animal que les siècles ont le plus chargé de sens et de symboles, depuis les falaises magdaléniennes jusqu’aux vases d’or de Mycènes ou aux paroles du Psaume, qui le fait aspirer aux eaux vives.
Regarde l’étincelante fureur de ses yeux obliques: en avançant dans son âge il a aussi avancé dans la sauvagerie qui se confond pour lui avec la sagesse.

Hubert, France, 1335
Eustache galope dans les bois, les landes et les friches (qui en Turc se disent Balkans ….) de ce qui fut, et mystérieusement demeure, l’Empire byzantin.
Il s’aventure jusqu’en Autriche, en Allemagne, en Alsace, en Chartreuse! Il entre dans les forêts de l’Extrême-Occident: là il devient Hubert.