
1897, Huile sur Carton, Musée d’Art et d’Histoire, Genève
Félix Vallotton est né en 1897 dans le Jura suisse: ces jardins coupés d’eaux brillantes, ces villages, ces prés, ces lacs et ces montagnes, il les a peint sa vie durant. Il a tôt rejoint le Paris 1900 et ses mémorables révolutions artistiques. Il a côtoyé les Impressionnistes et les Nabis, il a fréquenté des mondains, des grisettes, des marchands, des anarchistes. Il a beaucoup publié dans L’Assiette Au Beurre, la grande revue libertaire. Il a gravé d’admirables séries comme Intimités.
Il a été radical et tranquille. Il a peint des paysages, des portraits, des Nus, des Natures mortes -et, comme Artiste aux Armées, la bataille de Verdun, sur le vif!
Il travaillait à partir de photographies (il en faisait, assidûment), au service de scènes inattendues, étranges, abstraites, comme ses dernières séries, les Couchers de soleil …

Coucher de soleil à marée haute, 1911, MET, New York
Deux femmes nues jouant aux Dames n’est pas (seulement, ni d’abord) une scène de Maison Close, et une vignette érotique, avec ses allusions saphiques, mais une œuvre. Au milieu du tableau, comme pénétré d’une lumière intérieure, à la façon d’un vitrail, il y a une matrice mathématique: un damier. Elle est entourée de deux autres matrices -charnelles.
Vallotton parle ici la langue de son objet, le Jeu. Comme le style de Vallotton, le jeu de Dames est immémorial et ultra-moderne, d’une absolue rigueur et pétri d’affects, élémentaire et ouvert à l’infini des interprétations -des interprétations qui sont des co-créations, à chaque fois, comme il convient dans l’Art Moderne.
La séparation entre figuration et abstraction, entre travail et jeu, n’a pas de pertinence: une impulsion qui resurgira chez les surréalistes, chez Edward Hopper, l’autre grand Moderne, dans le Pop Art … Et à chaque partie! Dans un tournoi international ou sur un coin de table …