Mais j’ai grandi,
Comme un cochon dans un trenchcoat j’ai grandi,
Et puis il y a eu un tas d’apparitions étranges,
La pluie obsédante, le soleil tournant au poison
Et tout ça, des scies à l’œuvre dans mon cœur,
Mais j’ai grandi, j’ai grandi,
Et Dieu était là comme une île vers laquelle je n’avais pas ramé,
Ne sachant rien de Lui encore, mes bras et mes jambes ont travaillé,
Et j’ai grandi, j’ai grandi,
Je portais des rubis et j’achetais des tomates

Et maintenant, au mitan de ma vie,
A je dirais, à peu près dix neuf ans d’âge mental,
Je rame, je rame
Même si les tolets sont collants et rouillés
Et si la mer clignote et roule
Comme un œil inquiet,
Mais je rame, je rame
Même si le vent me pousse en arrière
Et si je sais que cette île ne sera pas parfaite,
Qu’elle aura les tares de la vie,
Les absurdités de la table du dîner,
Mais il y aura une porte
Et je l’ouvrirai
Et je me débarrasserai du rat en moi,
Du rat pestilentiel qui ronge.
Dieu le prendra de ses deux mains
Et l’embrassera.
Traduit de l’américain par Raymond Farina
Paul Klee, 1940