De temps à autre j’alimentais le feu en y posant une racine. La racine craquait; le foyer, assombri d’abord, chauffait le bois. L’écorce fendue s’enflammait et, sur la braise incandescente, une langue vive montait, qui se balançait dans l’air noir, comme l’âme même du feu. Cette créature vivait au ras du sol, sur son vieux foyer de briques. Elle y vivait avec patience; elle avait la ténacité des petits feux qui durent et lentement creusent la cendre. C’était certes un de ces feux d’une antique origine, qui jamais n’ont cessé d’être nourris et dont la vie a persisté, à l’abri de la cendre, sur le même foyer, depuis des années innombrables.
Ces feux entretiennent en nous la chaleur nécessaire à l’arrivée des songes, et ils ont sur notre mémoire une puissance telle que les vies immémoriales sommeillant au delà des plus vieux souvenirs s’éveillent en nous à leur flamme, et nous révèlent les pays les plus profonds de notre âme secrète.
Seuls, ils éclairent, en deçà du temps qui préside à notre existence, les jours antérieurs à nos jours et les pensées inconnaissables dont notre pensée n’est que l’ombre.
Cette nuit étincelait. Une immense pluie sidérale criblait d’astres brillants le ciel profond de février. Des trains d’étoiles s’élevaient sur l’orient nocturne. A travers l’air limpide où, très haut, voyageaient encore les bancs glacés des vents d’hiver, sur leurs grands chariots les constellations en marche vers le ciel de mars et le printemps lointain transportaient la vie des vieux mondes dans la lumière zodiacale.
Sur la terre, dans ma maison petite, aussi vieille pourtant, me sembla-t-il soudain, qu’une antique planète, s’était formé à mon insu un monde, en communication avec les autres mondes.
Et j’étais arrêté devant cette découverte soudaine, ne sachant comment j’entrerais dans ce Mas où brûlaient sept chandelles derrière les fenêtres, avec l’étrange beauté des étoiles.
Henri Bosco