Tu as les yeux pers des années lumière
Moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
Moi qui fonce entêté d’avenir
Tu viendras tout ensoleillée d’existence
La bouche envahie par la fraîcheur des herbes
Le corps mûri par les jardins oubliés
Où tes seins sont devenus des envoûtements
Tu as la tête d’abîme douce
La nuit du saule dans tes cheveux
Un visage enneigé de hasards et de fruits
J’ai du chiendent plein l’âme
Montréal est grand comme un désordre universel
Tu es assise quelque part avec l’ombre
Puis le cri de l’engoulevent vient s’abattre dans ta gorge
Puis les années m’emportent sens dessus dessous
Je m’en vais en délabre au bout de mon rouleau
A part moi je me parle
Je me tiens aux écoutes des sirènes
Dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques
Et parmi ces bouts de temps qui halètent tes yeux de paille et d’or
Gaston Miron
Max Ernst, Pour Werner Heisenberg